Au-delà des illusions | Duong Thu Huong

La femme se demande : « Comment ai-je pu l’aimer à ce point ? »
Elle le regarde dans la lueur verdâtre de l’aube. Il dort profondément. Il paraît doux, étranger. Un mannequin de cire. Le visage, la courbe du nez, le pli de l’oreille… C’est toujours le même homme, la même peau, la même chair. Il étincelait en elle, auréolé de lumière. Maintenant, il ne rayonne plus de la chaleur de l’amour, de la joie de vivre. [p. 5]
« COMMENT aimer encore un homme qu’on n’estime plus ? » semble être la question d’ouverture de ce roman d’apprentissage, qui en posera quelques-unes au fil des pages. « La réalité nue de la vie et la réalité des aspirations humaines » [p. 18] s’entrechoquent, de même que les conceptions de la vie à mener. Il paraît bien difficile de vivre selon ses valeurs et ses idéaux de jeunesse, sans avoir à y renoncer ou à accepter des compromis. De plus, les principes de vie ne sont-ils pas amenés à évoluer ? Autant d’interrogations qui traversent le roman et la vie des personnages, sans forcément trouver de réponses ; tout au plus des illustrations à travers chaque évènement narré.

Avant d’être un roman « philosophique », Au-delà des illusions est surtout une belle histoire d’apprentissage : celui de Linh, si intransigeante avec elle-même et avec les autres quant à la question des valeurs. Confrontée à la trahison et à la lâcheté, il lui faudra ouvrir les yeux pour aller au-delà de ses illusions. Son mari, Nguyên, aura lui aussi à prendre conscience de l’homme qu’il est devenu et de celui qu’il veut être. Nul ne reste égal à lui-même pendant le temps du récit. Comme les saisons – parfois évoquées par de petits détails contemplatifs : la couleur des feuilles ou du ciel, la présence des fleurs odorantes, entre autres –, les hommes changent et suscitent d’autant plus l’empathie du lecteur.

Un très beau roman, qui pose des questions intéressantes.

Au-delà des illusions - Duong Thu Huong

Au-delà des illusions de Duong Thu Huong, traduit du vietnamien par Phan Huy Duong

Éditions Philippe Picquier (Arles), coll. Picquier poche, 2000

1re publication (Viêtnam) : 1987
1re traduction française (éditions Philippe Picquier) : 1996

6 commentaires:

  1. J'ai juste lu "Terre des oublis", que j'avais adoré...

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    1. Tu avais fait un billet à son sujet ? Marilyne m'a parlé de ce titre aussi, ce sera peut-être ma prochaine lecture de l'auteure.

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  2. C'est toujours à la fois fascinant et terrifiant ces romans qui nous montrent à quel point le temps passe et que nous-mêmes ne sommes déjà plus ce que nous pensions être....(bon je reconnais en ce moment ça me questionne), donc je note (quoiqu'il risque de me faire du mal ce livre)

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    1. Sans vouloir te spoiler, je ne sais pas s'il te fera vraiment du mal, ce roman, du moins si tu t'y identifies de la même façon que moi (c'est un thème sur lequel je me suis posé beaucoup de questions aussi, par le passé, dans d'autres circonstances que celles qui semblent t'agiter aujourd'hui). Attends peut-être d'être plus apaisée pour le lire si tu crains qu'il ne te fasse du mal...

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  3. Les thèmes abordés ne peuvent que nous heurter à notre propre vécu, et peut être aussi un guide pour l'avenir. En tout cas, avec tout le bien que tu en dis, il est très intriguant. La littérature asiatique semble avoir un côté plus philosophique non?

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    1. Je lis trop peu de littérature asiatique pour pouvoir te répondre, mais je n'aurais pas forcément qualifié ce roman de philosophique : il a fait résonner beaucoup de questions en moi, parce qu'il en appelle forcément au vécu de chacun, mais cela restait avant tout très narratif, c'était une histoire avant d'être l'expression d'une philosophie.

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